No Line On The Horizon, un rêve de revue

, par Pascal 3 commentaires

Sucking Rock And Roll est un marchand de rêves, de ceux inaccessibles que l’on ose formuler. Parmi ces rêves, il y a celui de pouvoir être aux côtés de certains grands décideurs d’Universal Music… Ou celui de faire partie du cercle d’intimes des membres de U2. Ce rêve se manifeste aujourd’hui, sous vos yeux ébahis, sans bien savoir ce qui est ou n’est pas la réalité…

Beaucoup de gens l’ignorent aujourd’hui mais bien avant de commettre les singles « Beautiful Day » et « Vertigo », U2 était dans les 90’s un groupe noisy, électronique, parfois alternatif tout ce qu’il y a de plus respectable et qui se réclamait de David Bowie, Lou Reed et Kraftwerk sans trahir ces nobles références. Entre 1991 et 1997, le groupe a sorti trois albums d’un rock urbain, mélancolique et ténébreux, le légendaire « Achtung Baby », l’inclassable « Zooropa » et l’aventureux « Pop » qui referma définitivement ce chapitre. U2 et Bono furent ensuite à nouveau foudroyés par le même mal incurable que le leader des Stones : une commercialite aigue.

« No Line The Horizon« , après les errements des deux précédents albums des années 2000, pourrait poursuivre de manière inespérée dans la même veine que ceux de la période dorée des 90’s mais de façon moins radicale et expérimentale. Il pourrait paraître plus accessible sans être pour autant plus commercial. Paradoxal, n’est-il pas ?

Même s’ils sont indéniablement de bons musiciens, The Edge, Adam Clayton, Larry Mullen JR et (un peu…) Sieur Bono, n’ont plus besoin de chercher à démontrer leur virtuosité (s’il vous faut absolument des longs solos héroïques à la con, allez écouter le fossile « The Joshua Tree »), ni même à trouver le refrain qui fait mouche (s’il-vous-plait plus de « Sometimes… » larmoyant ou de « Stuck in a moment » confondant sur ce nouvel album !). L’heure pour eux serait donc plutôt à s’atteler à créer des paysages, des ambiances, des atmosphères… Et « No Line The Horizon » serait leur bande-son de la nuit froide qui tombe sur une métropole occidentale grisâtre. Londres, New York, à en oublier Fez ? Allez savoir… Mais fermez les yeux et vous y serez.

L’ambiant « Magnificent » pourrait assurément être le morceau qui illustre le mieux cette thématique. L’écouter tard dans la nuit, en déambulant dans les artères animées d’une grande ville, serait alors une expérience à part entière. Ce titre, où Bono pourrait pour une fois s’abstenir de trop en faire (ce qu’il aurait dû faire plus souvent dans sa carrière), pourrait être cette entrée en matière sortant du lot. Le reste de « No line The Horizon » serait lui plutôt homogène. Malgré une batterie implacable et des parties de guitare toujours très inspirées, ce serait la basse d’Adam Clayton qui se taillerait, comme d’habitude et le plus souvent, la part du lion. « Winter » pourrait être le morceau de l’album où l’on n’entend pratiquement qu’elle. Les guitares déchirantes de The Edge seraient bien sûr également très présentes, pourquoi pas sur « Stand Up« , ou un ensorcelant « Moment of Surrender« .

Ces éléments nous conforteraient évidemment dans l’idée que le U2 de 2009 aurait au final beaucoup de choses en commun avec le U2 de 1991 de la grande époque. Seul le titre « Crazy Tonight« , sous la patte de Will.I.Am, rappellerait les tristes virages pop rock précédents des 7 dernières années.

Car oui, la suite de la carrière de U2, après le relatif échec de Pop, tout le monde la connaît. Bono chope un melon incroyable et tombe dans les mêmes travers que le même Bono des 80’s : mégalomanie fulgurante, alter mondialisme galopant, mercantilisme putassier. Bref, c’est la mort dans l’âme que les fans de la période 1991-98 ont assisté à la prestation calamiteuse de Bono en veste jean au Live 8 de Juillet 2005. U2 était revenu au statut de 1er groupe Pop Rock du monde, que disons-nous ? De l’univers !! Et donc ses envies de groupe culte de l’underground post-punk retourné aux oubliettes de l’histoire.

Mais tout cela pourrait bien être fini ! Alors rêvons un peu, oui, une chose va différencier « No Line The Horizon » de ses deux prédécesseurs : alors que « All that you can’t leave behind » et « How To Dismantle An Atomic Bomb » viennent du seul motif mercantile de reconquérir coûte que coûte les Etats-Unis, le nouvel album ne cessera lui d’employer des méthodes expérimentales. Gonflé !! Mc Guinness aurait-il été bâillonné ? Le groupe prendrait-il à nouveau des risques en nous proposant « leur plus grand album de toute leur carrière », comme nous le martèle (une fois n’est pas coutume) les excellents radoteurs que sont Daniel Lanois ou encore l’horripilant Brian Eno.

On peut y croire, à l’exemple de ce « Get your Boots On« , qui pourrait être (si, si) le premier single hors norme depuis un certain « Discothèque ». Dans ce titre, U2 s’emploierait à dégager une énergie sans pareil : la rythmique saccadée de Larry Mullen JR donnant une étrange dynamique à ce titre interrogateur sur les médias et les envies suscitées par les paillettes. Le fabuleux « Breathe » révélerait quant à lui probablement un des morceaux les plus entraînants écrits pour cet album. Quelques touches plus mélancoliques annonceraient les amours progressives que l’on a déjà retrouvé sur Zooropa : « Unknown Caller » jouerait avec les images et apporterait un côté reposant et presque rassurant, un titre bien meilleur qu’un certain « One » dixit…Lanois lui-même… D’autres titres enfin, conserveraient un mystère encore plus atypique où U2 oserait même quelques autres innovations : « Every Breaking wave » (Bono et son chant lyrique), ou alors l’héroïque « Winter » jouant encore un peu avec les reliques de la new wave tentée sur « The Unforgetable Fire ».

Pour autant, au milieu de ces chansons respirant majoritairement une aventure lumineuse, les quatre Irlandais décriraient toujours un autoportrait de ce qui restera indéfiniment leur marque de fabrique musicale : les riffs de guitares imparables et victorieux de The Edge, le ton de la voix de Bono semblant venir tout droit du cœur, comme chantant une manifestation contre les affres de l’existence, mais également la basse ronflante d’Adam Clayton. Le tout empreint malgré les ans, d’une naïveté délibérée, comme une tentative insolente de voir et de vouloir le bien.

Au final, l’album serait cette alchimie saisissante entre des instrumentations électroniques à nouveau chères au groupe et des envolées rock et noisy de The Edge. Comme l’introduction et la conclusion sont toujours très importantes sur un album, nous ne pourrions que nous incliner devant cet album retrouvé, qui dans une grande synthèse définitive ouvrirait si bien à propos avec un flamboyant et électrique « Magnificent » pour terminer avec une sorte de berceuse de chasseur de pépites, le détendu et presque désabusé « Every Breaking wave« .

Alors on se demanderait sérieusement si cet album pourrait être le chef d’œuvre définitif. La lucidité couplée au bon sens recommanderait en tous cas, ambivalence à l’appui, d’envisager ce futur album tel un trésor.

Discussions

3 commentaires ont été publiés pour cet article.

Wiky

Hum, article déroutant …
Dur de savoir où est la part de reve, surtout lorsque l’on connait un peu la maison …
C’est tres bien ecris et ca donne envie d’avoir qqchose à ecouter tres rapidement.

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Pascal

Un exercice de style, tu l’auras bien compris.
Et pour JT, venant d’un fervent absolu de cette galette, l’exagération provencale est à la hauteur de mon estime pour cet album

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yeah

s’il vous faut absolument des longs solos héroïques à la con, allez écouter le fossile “The Joshua Tree”

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je trouve la formule un peu trop définitive, trop abrupte, et au final plus que sévère avec le meilleur disque du groupe (et dieu sais que je vénère la période zooropop). On ne peut, à mon sens, être un inconditionnel de u2 et ne pas idolâtrer ce disque.
Sinon, l’exercice prospectif est sympa, bien écrit, mais wait & see….

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