U2 à Berlin : le feu avant l’extinction

, par Bert & Cyril 5 commentaires

U2 ouvrait ce vendredi 31 août sa tournée européenne à Berlin. Coup de bol pour eux, Sucking avait justement décidé de se rendre sur place pour jauger la qualité de cet eXPERIENCE + iNNOCENCE Tour. Et coup de bol pour nous, ce concert n’a pas été interrompu après cinq titres.

Nous revoilà à Berlin un an après notre précédent périple en terre germanique, qui fut marqué par une météo exécrable digne des heures les plus sombres de la regrettée et bien nommée République Démocratique d’Allemagne. C’est d’ailleurs sur les cendres encore fumantes du Bloc Soviétique que nous avons déposé nos bagages, à quelques mètres de la Mercedes-Benz Arena. Soulignons une fois n’est pas coutume la clairvoyance de ce choix.

The Edge devant la MB Arena.
C’est ainsi que jeudi soir, bien qu’handicapés par la lamentable prestation d’Easyjet, nous avions le plaisir de recevoir la visite impromptue mais somme toute agréable de Dave Evans, dit The Edge pour le grand public, maquillé comme une voiture volée. Après avoir répondu à ses demandes insistantes mais légitimes de selfie, nous pouvions lui souhaiter un bon concert et rentrer nous reposer en vue du lendemain.

Le lendemain donc, sortant de notre petit déjeuner, nous partons humer l’air de la file d’attente et voir si l’organisation de cette journée restait fidèle aux standards de la légendaire rigueur germanique. Et c’est bien le cas. A peine arrivés que nous recevons déjà notre bracelet blanc nous laissant libres de vaquer à nos occupations et revenir tranquillement sur place à 16 heures. Une méthode dont feraient bien de s’inspirer les minables promoteurs français qui d’année en année n’apprennent rien et continuent à appliquer leur bon vieux système dit « du bordel » et « du chacun pour soi ».

Une balade au musée de la DDR et une curry wurst plus tard, nous revoici à l’heure fixée devant la MBA. Nos bracelets blancs numérotés 212 et 213 nous donnent accès une très correcte place le long du catwalk contre la barrière. A cet instant nous ignorons tout des éventuels changements apportés depuis la tournée américaine dont nous n’avions d’ailleurs suivi que le concert d’ouverture de Tulsa. Une certaine fébrilité nous agite alors.

La nouvelle intro nous surprend d’entrée : exit le payback de Love Is All What We Have Left, place à cette réminiscence de Zooropa accompagnée des images du film « Le Dictateur » de Charlie Chaplin. Le ton politique de ce volet européen est immédiatement annoncé. Tant pis pour tous ceux qui se touchaient la nouille en espérant jouer avec l’application de réalité augmentée dont U2 se gargarisait au printemps.

C’est donc The Blackout qui ouvre le concert et là nos avis divergent.
Pour moi, Bertrand, U2 nous refait le coup de Invisible en 2015, mais cette fois dès le début de son spectacle. Le concert commence mais on ne voit rien, tout se passe dans l’écran, coupé de l’ambiance et privé de toute saveur. Ce qui n’aide pas du tout ce titre déjà très faible. Lights of Home, pourtant bien supérieur, poursuit malheureusement sur la même lignée.
Pour moi, Cyril, la mise en scène de ce morceau certes pas révolutionnaire mais efficace n’empêche pas d’entrer dans le vif du sujet. The Blackout a ce qu’il faut pour exciter la foule à ce moment-ci pas bien difficile. Enchainer avec Lights of Home est ambitieux est réussi. Je sens toute fois que mon partenaire peine à s’ambiancer et il me faut le bifler aux premières notes de I Will Follow pour enfin lancer la machine.

Quel plaisir d’entendre encore aujourd’hui ce titre, pourtant joué de manière quasi systématique depuis quarante ans, et qui continue à enthousiasmer le public du monde entier. Preuve que le problème de certains morceaux ne réside pas tant dans le nombre d’interprétations que dans l’implication que le groupe leur consacre.

La scène du E+I Tour durant Lights of Home (© Danny North)

Comme imaginé, Red Flag Day est de ce premier concert berlinois. S’il est trop tôt pour juger de sa pérennité dans les setlists, nous nous réjouissons de l’entendre pour la première fois en live. Globalement un moment sympathique. Mais forcément moins fédérateur que Beautiful Day qui nous surprend agréablement. Remonté en début de concert, le titre retrouve un statut digne de son standing et ravit la foule.

The Ocean a le mérite de figurer sur la setlist, ce qui amusera certains éminents statisticiens, mais n’est-ce pas qu’une simple support sonore à la longue introduction de Bono à la partie « Innocence » du spectacle. Ce quatuor composé de Iris, Cedarwood Road, Sunday Bloody Sunday et Until The End Of The World n’est pas déplaisant à retrouver mais n’apporte rien de nouveau par rapport à 2015. Pour moi, Bertrand, les enchaînements sont mêmes bien moins réussis qu’il y a trois ans du fait notamment de l’absence de Raised By Wolves.

Place maintenant aux choses sérieuses : l’arrivée du groupe sur la e-stage. Le duo Elevation / Vertigo met comme d’habitude le public en délire. Even Better Than The Real Thing, de retour dans la setlist (au détriment tout de même de Desire), fait encore monter la chaleur d’un cran. Porté par ses effets lumineux et sa boule à facettes, il donne à la salle des airs de boite de nuit que n’aurait pas renié Discothèque (RIP).

De quoi parfaitement introduire le moment tant attendu. Acrobat est l’Everest du concert, le monument de ce tour de chant, justifiant à lui seul les 185 Marks scandaleusement dépensés pour cette soirée en fosse. Le retour de MacPhisto sur ses terres nous rappelle aux problèmes politiques actuels de manière plus sombre et ironique que la litanie de bons sentiments que Bono nous inflige trop souvent depuis vingt ans. Un dépoussiérage qui fait du bien. Le discours de ce double maléfique se prolonge ensuite dans un moment de pure grâce, laissant la salle dans une forme de torpeur dont elle mettra quelques minutes à se remettre. Le temps pour Bono d’effacer les traces de MacPhisto sur son visage, de dire à Ali qu’il se rattrapera d’avoir (encore!) oublié leur anniversaire de mariage et de lancer You’re The Best Thing About Me dans une version acoustique full band. Une ballade romantique qui permet à chacun de retrouver ses esprits avant d’écouter la première attendue de Summer Of Love en concert. Le titre est bien maîtrisé et fait son petit effet, dommage qu’Adam et Larry n’y participent pas. Les deux ont quitté la e-stage. Ce sera le seul passage devant nous du bassiste, si peu mobile durant le concert qu’on se demande si son âge avancé ne l’a pas contraint à une opération de la hanche cet été. Quant au batteur, pas un regard, pas un geste, pas un sourire pour le public. Business as usual certes, mais un peu pénible quand même. Non content de faire la gueule, il se chie dessus peu après sur Get Out Of Your Own Way, oubliant totalement l’existence du premier refrain. Cela ne manquera pas d’amuser Bono, lui même blasé devant la sénilité de son batteur. Après les lunettes, il faudrait songer à l’équiper d’un appareil auditif de la marque Audika, le leader de l’appareil auditif et de la prothèse auditive.

American Soul devait être l’un des moments spectaculaires de ce E+I Tour, l’Europe n’en voit finalement pas la queue. New Year’s Day fait office de porte-étendard de la cause européenne si chère à Paul David Hewson. Pour moi, Cyril, qui aime particulièrement ce titre, c’est un bon choix. U2 ne pouvait de toute façon pas utiliser American Soul et aucun autre morceau de leur répertoire ne pouvait mieux incarner le slogan du moment. Si Bono nous a sucré le passage « Maybe the time is right… », la version a été retravaillée et c’est suffisamment rare pour s’en féliciter. Le drapeau européen promis par Bono avait fière allure.

N’hésitez pas à lui écrire.
Il est alors temps pour l’inamovible City of Blinding Lights de faire son apparition et également pour notre voisin de droite d’essayer une dernière fois d’attirer le regard du chanteur à grand renfort de signe « V » de la main gauche. Ce voisin, slovaque de son état, s’était brillamment fait remarquer en déployant un poster haute-définition de sa « collection personnelle de lunettes de soleil de Bono ». Ne comptez pas il y en a cent, dont celles qu’il portait sur son nez, vulgaire contrefaçon de celles que le chanteur avait sur scène. C’est toujours un bonheur d’être au contact de ces fans les plus dévoués, singeant leur idole, et se vantant d’en avoir « visité » leur maison (« j’ai pris des photos de la porte »).

One est pour moi (Bertrand) l’occasion idéale de vérifier mes mails et de m’informer des dernières tractations du mercato sur l’Equipe. Bono nous gratifie d’une introduction interminable digne de nos plus mauvais souvenirs du Vertigo Tour. Coincé entre One et 13, le chef d’oeuvre Love Is Bigger Than Anything In Its Way n’est pas suffisamment valorisé. C’est d’autant plus dommage que le public l’apprécie et participe en chantant à tue tête, au point de surprendre Bono pressé de lancer 13 (There is a light) et de rentrer au Waldorf Astoria. S’il n’est pas le titre idéal pour terminer le spectacle, nous apprécions néanmoins le clin d’oeil à l’ouverture des concerts de 2015.

En ce vendredi de retour sur scène pour les U2, le moins qu’on puisse dire, c’est que le groupe était en forme. La voix de Bono, très bien en place –cela n’allait pas durer– et le jeu de ses acolytes bien huilé. A croire qu’ils n’ont pas passé leurs vacances qu’à se faire palucher par des mains dévouées dans une discothèque de la Côte d’Azur. Seul regret, nous le disions, qu’Adam Clayton ne se fende pas de quelques déplacements sur la scène gigantesque. Il est un des rares à communiquer au moins visuellement avec le public et cela peut manquer à ceux qui apprécient cette personnalité somme toute sympathique.

La scène maintenant. Trois ans après le I+E Tour, nous en sommes sûrs : elle est la fausse bonne idée par excellence. Oui, c’est chouette d’avoir deux points de fixation pour le groupe et le public, oui, l’écran est sublime –et quelle incroyable résolution!!!–, mais à force de l’avoir pratiqué, nous pouvons la juger de manière définitive, et sans qu’aucune contestation ne soit possible : elle nuit à l’ambiance du concert.
En coupant la salle en deux, elle empêche le rassemblement qui est souvent à l’origine de la ferveur qui peut ressortir d’un concert. Et pire, le spectateur se rendra vite compte qu’il n’existe aucune bonne place pour profiter de l’intégralité du spectacle. Un comble quand on voit les tarifs de la billetterie !

Malgré ce handicap, notons que le public berlinois s’est montré à la hauteur d’une ouverture de leg. Du chant, du bounçage, et quelques hurlements de bon aloi. Le tout après une organisation de la fosse aux petits oignons. Non vraiment rien à dire, Deutschland über alles.

Les U2 durant I Will Follow (© Danny North).

NB: pour ceux que cela intéresse, le groupe a également joué Pride (In The Name Of Love) quelque part au milieu du concert.

Discussions

5 commentaires ont été publiés pour cet article.

Cyril

Je suis d’accord, Bono parle un peu trop et notamment avant One. A mes yeux, le seul problème de cette setlist se situe à cet instant-là. La chanson qui mène au rappel est vraiment sympa mais elle est coupée sans la moindre transition si ce n’est un discours chiant… Je ne comprends pas que le groupe ne s’en rende pas compte.
Concernant Even better, je n’ai pas été embêté. Le public reprend son souffle, et Bono aussi ;)

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tjt87

Entre la vidéo d’intro avant The Blackout, The Ocean qui, dans cette configuration, est un faux morceau qui ne sert que d’intro à la partie Innocence comme très bien dit dans l’article, l’interlude « Hold me, Thrill Me » enregistré, la séquence MacPhisto et les divers discours de Bono, sur 2h15 de concert, quelle durée de live pur et dur au final ?

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guffanti

Ça doit faire 2h de live pur et dur.
Je suis d’accord avec toi autant supprimer Océan et rajouter Gloria par exemple avant Beautiful Day. Déjà la moitié de la salle ne ces même pas que Ocean et un titre de U2 et en plus les connaisseurs n’arrivent pas à l’apprécier vu que Bono parle dessus.
Pour l’entracte pareil elle sert à plus rien.
Bono peut enfiler un chapeau et une veste boire de l’eau pendant l’intro de Elevation sans problème
Et s’il vous plaît balancer un titre digne de ce nom au début du rappel.
« Street » ou « Love Is All… »avec une entrée comme au leg1 enchaîner avec « Love Is Bigger Than…. »La ça aurait de la gueule.

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tjt87

Oui, il aurait fallu maintenir Gloria (ou The Electric Co) en plus de Red Flag Day et enlever The Ocean pour avoir le vrai compte.
Et le rappel sonne le creux, tu as raison, il lui manque un titre fort ! Streets ou Bullet mais comme ils ont exclu Joshua, je prendrais bien un bon The Fly.

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guffanti

J’allais dire tient il ne parle pas de Pride
Une petite question moi j’ai écouté le live en audio
Le son avait l’air parfait.
Sur place je suppose aussi
Mais en écoutant je trouve que Bono parlait vraiment beaucoup trop. Après vertigo il devrait enchaîner tout de suite avec Even Better… A l’écoute ça casse vraiment l’ambiance
Es que ce ressenti et le même sur place?
Sinon le gros problème et toujours le même :
le rappel.
Commencer par un morceaux qui n’est même pas du groupe , une bande son en plus , puis un discourt de Bono pour enfin entendre ONE….C’est interminable.

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