U2 magnifié par Amsterdam, notre revue

, par bert 9 commentaires

Voilà longtemps que l’ami PopElevation – célibrissime émir du bootleg – me vantait un petit déplacement en terres bataves. A juste titre car voir les U2 aux Pays-Bas a toujours une saveur spéciale. Les Irlandais s’y sentent particulièrement proches de leur public et y donnent généralement des concerts qui sortent du lot par leur implication, leur ambiance, et parfois leur fraîcheur. Un phénomène qui remonte sans doute au début de leur carrière et à l’accueil que cette nation leur réserva alors qu’ils n’étaient encore rien sur la scène mondiale.

Quatre mois après un pèlerinage mi-figue mi-raisin du côté de Vancouver et San José, nous repartions il y a quelques jours sur les routes de l’iNNOCENCE + eXPERIENCE Tour, l’espace d’un week-end, pour les deux derniers concerts d’Amsterdam. Nous étions évidemment convaincus d’y voir une ambiance hors norme, mais je nourrissais plus de doutes sur la capacité du groupe à produire un concert qui soit à la hauteur. Un sentiment vite balayé.

Le Ziggo Dome est une salle somptueuse, exceptionnelle par sa qualité sonore et impressionnante une fois remplie. Il faut dire que les Hollandais nous ont fait une petite “Gérard Drouot” en remplissant la fosse à ras bord. Pas question ici d’espérer venir à 19h et bouger tranquillement pendant le concert en fonction des déplacements de l’ami Bono. Pour avoir une bonne place, il valait mieux faire la queue dès le matin, se farcir l’organisation imposée par certains fans, le numéro écrit sur la main, et les malades qui t’embrouillent parce que – suite à plusieurs mouvements de foule – tu as sans le vouloir gagné 10 places dans la queue. Bref les charmes d’un concert à l’ancienne.

Finalement ce n’était plus vraiment une fosse mais une marée humaine digne d’un stade qui se présentait face au groupe. De quoi lui donner de l’envie, beaucoup d’envie. Le samedi soir et plus encore le lendemain, U2 est monté sur scène avec une énergie et un plaisir communicatifs. Les quatre premiers titres des concerts témoignent des progrès effectués depuis la mi-mai : la nouvelle intro sur People Have The Power est plutôt bien adoptée par le public, les nouveaux jeux de lumière de The Miracle lui donnent un peu plus de profondeur, et The Electric Co n’accuse aucunement le poids des années.

Comme souvent, le soufflé retombe après I Will Follow, au moment où l’iNNOCENCE + eXPERIENCE Tour quitte la sphère du concert pour devenir un spectacle. La fosse cesse de sauter, les tribunes commencent à se rasseoir, les aller-retours pour s’abreuver en bière et pop-corns se multiplient. La musique n’est plus, on regarde l’écran et l’histoire que U2 nous raconte. On aime ou pas, mais la scénographie est parfaitement huilée, et le groupe semble avoir complètement apprivoisé son matériel et son concept. Si l’impression de le voir jouer en cage demeure durant Invisible ou Even Better Than The Real Thing, il faut admettre que cela fonctionne plutôt bien vu des tribunes.

Le plus dur après cela est d’être suffisamment brillant pour revenir sobrement à la musique et refaire décoller tout le monde. Avec Elevation le samedi et Magnificent le dimanche, U2 a visé juste, alternant entre le tube efficace et la petite prise de risque qui lui fait trop souvent défaut. Le premier restera sans doute le meilleur souvenir de notre voyage à Amsterdam tant il fit exploser la salle, offrant un instant de communion entre le groupe et son public sur lequel Volcano surfa d’ailleurs de façon majestueuse. Le second, plus humble, n’embrasera pas le Ziggo Dome mais apportera un vent d’air frais salvateur. Pour qui a suivi l’évolution de Magnificent durant la tournée 360°, il n’est pas étonnant de voir U2 tenter une nouvelle version d’influence électronique. Au-delà de la prestation, qui a des arguments à faire valoir sur le “round stage”, on retiendra la volonté de proposer quelque chose de nouveau et de déterrer No Line On The Horizon, trop vite considéré comme indésirable.

Nous étions venus aux Pays-Bas en espérant un peu de fraîcheur et de spontanéité. Mais quand, le dernier soir, The Edge sortit sa stratocaster noire au moment du snippet de Mother And Child Reunion, nous craignîmes le pire : subir un énième I Still Haven’t Found. Le soulagement fut grand aux premières notes de Bad. Voilà, si le groupe en doutait, une manière bien plus adaptée de terminer un concert. Le duo Bad / 40 est une réussite brillante quand U2 semble ainsi vouloir prolonger sa présence sur scène, ou quand Bono prend la mesure pour guider des changements de rythme à ses trois partenaires.

La fin du quatrième concert d’Amsterdam fut l’illustration parfaite de ce que U2 est capable de faire quand il en a l’envie. Même Pride et With Or Without You, souvent synonymes d’extrême souffrance, furent cette fois à la hauteur pour l’unique raison que Bono et les siens avaient décidé de s’appliquer. Un petit “Shine like stars” n’est au passage jamais anodin. On a beaucoup reproché à la seconde moitié du concert de n’être qu’une succession de tubes sans saveur. Elle l’est toujours évidemment mais dans certaines conditions, comme ce soir là, les tubes glissent de manière un peu plus fluide qu’à l’accoutumée. Le nouvel enchaînement de Bullet The Blue Sky et de Where The Streets Have No Name, entrecoupés d’un extrait anachronique mais toujours sympathique de Zooropa, est devenu l’un des sommets du spectacle et aide beaucoup à rendre ce passage plus digeste.

Nous avons quitté Amsterdam avec deux grands enseignements. Le premier est que ce lien si fort entre les Pays-Bas et U2 n’est pas usurpé et ne se limite pas qu’à de l’optimisation fiscale. Il y aurait pourtant de quoi débattre sur ce peuple, et son langage primitif reposant basiquement sur un raclement de gorge. Nous ne l’avons pas trouvé particulièrement intéressant ni accueillant. Nos rares rencontres agréables le furent avec des étrangers et nous saluons à ce titre Judith, notre collègue de U2Achtung, rencontrée le dimanche dans la fosse, et avec qui les échanges furent brefs mais charmants.

Le second enseignement est que cette tournée, si elle ne sera jamais la meilleure, n’est pas si mauvaise que cela pour peu qu’on sache choisir les bons soirs, profiter des fulgurances du groupe, et éviter de la comparer à ses glorieuses prédécesseures. Un Elevation ou un Volcano par-ci, un Magnificent et un Bad par-là, U2 distille encore au compte-gouttes quelques instants de bonheur. Prenons-les avant qu’il ne soit trop tard.

Crédit photo d’illustration : Ben Houdijk

Discussions

9 commentaires ont été publiés pour cet article.

citrus man

Detroit a fait un concert de 3h ici a Lausanne….

Si l’esprit veux…. le corps veut….

Attendre d’etre ‘moins populaire’ pour proposer du plus ‘péchu’… l’attente risque d’etre longue…. avec ou sans Party Girl et/ou Spanish Eyes….

Tant qu’ils rejoueront pas Exit ou Discotheque… ils peuvent toujours attendre mes 60-80€

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guffanti

Merci Bert. J’avais trouvé le 1er amsterdam (qui et le 1er pour moi sur cette tournée) trés bon et quand je li ta revue cela me conforte dont ce que j’ai pu éprouvé ce soir la. Effectivement il fallait bien choisir ses dates. Pour ma part j’ai encore Anvers2 on verra bien…Mais j’ai surtout ciblé Paris le 10 et le 15 novembre. Comme le DVD se fera a Paris et que le 3e concert sera télévisé ça devrait motiver le groupe. U2 ne se loupera pas. Une petite crainte pour le 15 qui devait etre le dernier et qui ne l’ai plus.

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UNFORGETTABLEU2

le groupe ne se loupera pas pour le dvd mais j’ai plus de doute pour les autres soirées parisiennes apres le marathon londonien et avant le feu d’artifice irlandais
cinq annees seulement sont passees apres no line mais elles semblent peser lourd et marquer un tournant dans leur carriere
releguer zooropa qui est un de leur plus grand titre de leur repertoire en intro de 2 minutes a streets me semble etre le symbole de leur manque d’audace
ras le bol de CITY vive GONE LAST NIGHT ON EARTH HEARTLAND

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Cheikh Popelevation

Et ouais Bertrand, à force d’écouter des bootlegs, on sait faire des safe bet ;)

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Drazen pour Sucking

Un soufflet qui retombe? Corneille approuve.

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bert

Merci pour la coquille ;)

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Bouba

Je suis entièrement d’accord avec toi.
Les moments de bonheur sont au compte goutte malheureusement… Faut savoir choisir.
J’ai eu le sublime avec le deuxième New York et le fameux bad en fin de set, gloria, volcano…. Et le Turin 2 indigeste à part le public…

Le groupe est j’ai l’impression meilleur sur une scène rustique (cf le roxi) comme les 4 premiers titres qui sont joué avec hargne. Après c’est du pilotage automatique, bien fait certes mais lassant à force

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bert

Ce n’est pas un hasard si le Roxy est leur meilleure prestation de l’année. Malheureusement ils sont encore trop populaires pour pouvoir revenir à des petites salles. Mais ça viendra peut-être, j’échange volontiers mes 7 concerts de 2015 contre un Olympia ;)

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bouba

Pourquoi pas continuer les grandes salles mais sur une scène normale comme les quatres premiers titres mais pendant 2h, du rock du vrai.

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